mardi 22 juillet 2008

Rokia Traoré - Tchamantché


Rokia Traoré
est une artiste hors du commun. Cette auteur- compositrice- interprète malienne a su développer un style bien à elle en mêlant la tradition griot de son pays à des influences occidentales tout à fait contemporaines. Elle sort aujourd’hui un quatrième album, Tchamantché, qui mérite notre attention, tout du moins sur le plan artistique.


Bomboï, le précédent album de Rokia Traoré, reposait entièrement sur un concept acoustique porté par les traditions de l’Afrique, et cette voix, « impliquante » plus que sensuelle, qui la différencie clairement de ses compatriotes. Servi par une réalisation hors norme (un vrai délice à écouter sur un système haut de gamme, fort, bien sûr, de préférence !), il me sert toujours de référence lorsqu’il s’agit de juger des qualités de timbres et de la capacité de mise en espace d’un appareil hi-fi.

Avec Tchamantché, l’artiste dévoile une nouvelle facette de sa personnalité. On y retrouve, bien sûr, l’Afrique à travers ces chœurs maliens, le balafon, les percussions et la guitare typiques de ses compositions précédentes, mais aussi de nouvelles sonorités, à l’image des programmations, qui viennent habiller discrètement le background de « Douna », le premier morceau du disque. Dès le deuxième morceau, on éprouve aussi la volonté de l’artiste de se rapprocher de l’auditeur à travers un phrasé, une expressivité plus tendre et plus sensuelle, qui fait mouche dans sa simplicité.
« Zen », le troisième morceau, est chanté en français, un peu à la façon de Zazie, et profite du talent de Marcel Kanche qui en cosigne le texte avec Rokia. « Aimer », le quatrième, mêle le français et le malien, les instruments traditionnels africains et les ballets légers à la caisse claire, avant de se laisser porter par la voix de Rokia, rauque à l’occasion, toujours vibrante, qui nous entraîne dans une déclaration d’amour insoumise qui nous prend au ventre. Il ne doit pas être facile de capturer ce cœur-là !

"Kounandi" est une très belle ballade qui mêle la guitare de Sibi Koné à la harpe de Christophe « Disco » Minck. Une mélodie simple et lumineuse à laquelle la chanteuse apporte une sensibilité que l’on ne lui a pas toujours connue.
Cette magnifique princesse, qui porte sa fierté sur son visage comme un diadème, semble se dévoiler un peu plus au fur et à mesure que l’album avance, comme si elle se donnait complètement aux émotions qui l’habitent à travers une tendresse qui vient caresser l’oreille de l’auditeur.
Avec « Koronoko », on revient à quelque chose de plus conforme à ce que la chanteuse nous avait donné à entendre sur ses précédents albums. Servi par une mélodie qui avance, « Tounka » nous entraîne sur les pistes de terre rouge à un train d’enfer et toute l’expressivité sauvage dont Rokia est capable, à la fois rauque et fulminante comme une lionne.

Tchamantché profite du talent de Steve Shehan, impérial aux percussions. Un talent que l’on retrouve dans la lumière cuivrée du hang qui ouvre « A ou ni sou » (composé par Steve Shehan et Rokia Traoré) pour souligner avec subtilité la voix de Rokia jusqu’à l’extinction des notes des deux instruments.

L’album n’est pas fini pour autant, et il nous faudra attendre 30 secondes dans le silence pour découvrir une étonnante reprise de « The man I love » de Gershwin, portée par deux guitares, une basse puissante et la voix haut perchée de Rokia qui se laisse aller au swing langoureux de la mélodie avant de nous propulser vers l’Afrique : quand l’anglais se fait malien… Le bonheur du mélange des cultures à son paroxysme !

Un peu de technique :
Si la démarche artistique du disque constitue pour moi une réussite, tant on sent la chanteuse investie dans son désir de faire passer l’émotion à l’auditeur, on ne pourra que regretter la production du précédent album à l’écoute de Tchamantché. Pourtant servi par une brillante équipe constituée de Phill Brown (et Patrick Jauneaud pour certaines voix) à l’enregistrement, du même Phill Brown au mixage et du grand Bob Ludwig (excellent sur le dernier Radiohead !) au mastering, Tchamantché déçoit un peu techniquement, notamment en ce qui concerne la mise en espace et le timbre des instruments. Constituées de lignes claires et épurées, les mélodies auraient mérité une meilleure lisibilité à travers une neutralité mieux maîtrisée sur l’ensemble du spectre. C’est particulièrement flagrant sur la voix de Rokia, affectée d’une bosse dans le haut médium qui pourra apparaître fatigante, voire franchement agaçante sur un système audio haut de gamme. La scène sonore manque un peu de profondeur et le bas du spectre d’aplomb, alors que la dynamique est gérée avec un conservatisme qui étonne de la part de ces pointures, pourtant capables du meilleur. Si l’aspect technique du disque n’a donc rien d’exceptionnel, l’album mérite toutefois d’être écouté pour le talent, indéniable, de son auteur-compositrice-interprète.

Rokia Traoré
Tchamantché
Chez Universal Music

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A découvrir aussi:

Le précédent album de Rokia Traoré: Bomboï, dont les qualités techniques méritent à elles seules, déjà, le détour !

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