dimanche 25 novembre 2007

Bojan Z en concert à Nanterre


J’ai assisté vendredi soir au concert que donnait le trio de Bojan Zulfikarpazic, mieux connu sous le nom de Bojan Z, à la maison de la musique de Nanterre. J’ai découvert ce pianiste venu d’Europe de l’Est ( né à Belgrade en 1968) à l’occasion de son dernier album Xenophonia, sorti en 2006, qui a rencontré un franc succès aussi bien auprès des amateurs de jazz que de la critique (les victoire du Jazz l’ont d’ailleurs consacré album Français de l’année 2007). Musicien et interprète surdoué, il y mélangeait avec une originalité réelle l’influence de ses racines Balkaniques à celles du Jazz et de la pope américaine, à travers des compositions personnelles ou des reprises audacieuses associant piano, Fender Rhodes et Xénophone à la contrebasse et à la batterie.
Pour cette soirée exceptionnelle, Bojan Z était accompagné de Rémy Vignolo à la contrebasse et de Martijn Vink à la batterie. De part et d’autre du piano, un Stenway modèle D qui a dû en voir de toutes les couleurs, le musicien avait déployé son Rhodes et son Xénophone, un instrument de son invention qui combine un Rhodes à la distorsion analogique d’un micro « saturé » par une enceinte reproduisant le son original de l’instrument.

Le trio, très en forme, rivalisait de talent pour explorer au cours de deux heures de pur plaisir musical une douzaine de nouveaux morceaux et quelques reprises de Xenophonia totalement revisitées pour l’occasion. Il faut d’abord saluer cet effort qui fait tout le plaisir et l’intérêt du live : le trio ne s’est pas contenté de répéter un programme déjà connu, mais s’est réinventé complètement devant l’auditeur.

À la fois charmant avec le public et brillant devant ses instruments, Bojan Z alternait le mélodique et l’expérimental, sans jamais tomber dans la démonstration, mais en choisissant au contraire une apparente simplicité de ton qui faisait mouche à chaque fois. Se servant du pianio et des Rhodes « au naturel » ou saturés jusqu'à la dissonance, il dressait pour nous un tableau musical aux multiples nuances, à la fois sensuel, explosif et mélancolique, bien aidé en la circonstance par deux merveilleux musiciens de Jazz.

On ne le répètera jamais assez : Rémy Vignolo est un très grand contrebassiste. Il l’a encore prouvé ce soir à travers un jeux rapide et précis, un modelé magnifique et un sens du rythme et de la mélodie véritablement exceptionnel qui font de lui un interprète de tout premier plan. Visiblement, il existe une grande complicité entre lui et Bojan Z. Son sourire et ses coups d’œil, l’impression de voir des musiciens qui prennent du plaisir, qui s’amusent et s’investissent complètement dans ce qu’ils jouent était clairement palpable tout au long de la soirée.
Et que dire du batteur Martijn Vink ! Plus introverti en apparence, sans avoir l’air d’y toucher, il m’a littéralement frappé de son talent et de son groove en délivrant une performance en tout point digne de ses compagnons. Grâce à sa capacité à souligner la mélodie puis à la conduire, n’hésitant pas à utiliser ses mains au lieu de ses baguettes, il prenait chaque morceau pour le sculpter d'une frappe sûr et rapide, avec un sens du rythme et une variété de jeu d’un naturel confondant qui achevait de conquérir le public à sa cause.

Voilà donc un trio à ne manquer sous aucun prétexte si vous aimez le jazz contemporain. Un jazz différent, parfois dérangeant, qui n'hésite pas à sortir des sentiers battus pour vous accrocher et vous emporter vers de nouveaux horizon musicaux.

Prochain concert de Bojan Z : le 4 décembre à l’Equinoxe – Scène Nationale de châteauroux – à 20 h 30

Lien vers le site de Bojan Z

vendredi 23 novembre 2007

Une nouvelle marque d’enceinte sur le marché Français.


J’ai effleuré des oreilles la nouvelle gamme d’enceintes PMC destinée au marché de la haute-fidélité. Venue du monde professionnel, cette marque britannique compte bien remplacer Genelec dans un certain nombre de studios d’enregistrement, ce qui de mon avis, ne serrait pas une mauvaise chose, compte tenu du rendu flatteur mais pas toujours très réaliste de ces dernières.
Quelques minutes passées avec les colonnes deux voies GB1 ( autour de 3000 euros la paire) et les trois voies OB1 ( +/- 4000 euros HT) n’ont pas suffit à me faire une opinion définitive sur leurs performances, mais dénotent une philosophie proche de celle des enceintes ATC que j’apprécie particulièrement. Médium à dôme ( sur les trois voies) et rendement faible ( 87 dB annoncé, sans doute 85 en réalité) due à un filtre passif complexe ( 24 dB par octave) les destinent à ceux qui cherchent avant tout la neutralité des timbres et une micro dynamique convaincante, pour peu qu’ils disposent de la puissance nécessaire à les motiver convenablement. La démonstration était menée à partir d’un amplificateur Briston de 300 Watts par canal par la sympathique équipe du studio Oméga à Suresnes, qui a repris la distribution de cette marque précédée par une réputation flatteuse.
J’aurais bientôt l’occasion de revenir sur ces enceintes qui m’ont laissés une première impression positive

Lien vers PMC

mercredi 21 novembre 2007

Petite mise au point autour du lecteur Nagra CDC



Pour certains audiophiles, la Haute Fidélité est une passion en soi, et en ce sens, la musique finit souvent par passer au second plan pour laisser place à une quête d’absolu sonore dont ces derniers espèrent, plus ou moins consciemment, ne jamais voir la fin. Je peux parfaitement comprendre cette manière de voir les choses, même si je n’y adhère pas personnellement. Je suis né dans une famille très attachée à la musique et c’est mon amour pour elle qui m’a entraîné dans les magasins spécialisés pour faire l’acquisition de mon premier système hi-fi. À travers lui, j’espérais pouvoir découvrir dans les meilleures conditions possibles de nouveaux horizons musicaux, mieux comprendre le travail des artistes et toucher du doigt la magie d’un concert ou l’émotion d’une voix à jamais disparue dans les couloirs de l’histoire. Je ne vais pas vous dire que je n’aime pas les appareils que je teste. Ce serait vous mentir ! Mais l’intérêt et l’attachement que je leur porte dépendent intimement de leur capacité à transmettre la vie, le rythme et l’émotion de celles et ceux qui ont mis tout leur talent et leur sensibilité pour que la musique existe devant moi. Je n’aime pas les instruments de mesure. Je préfère de beaucoup les vecteurs de sensations, même si cela implique parfois certains sacrifices à l’utopique, et finalement très subjective, quête de LA Vérité sonore.

J’ai vécu samedi dernier une expérience dont je voudrais vous parler, parce qu’elle illustre à merveille la relation que j’entretiens aujourd’hui avec la musique enregistrée et les appareils qui sont chargés de la restituer à nos oreilles. J’ai la chance d’entretenir depuis quelques années une amitié musicale avec l’un des plus grands ingénieurs du son français, Philippe Teissier du Cros, dont le travail a porté sur les fonts baptismaux certains des albums que je place en tête de liste de mes références, non seulement sur le plan technique mais aussi sur le plan artistique. Quand je dis que c’est une chance, ça l’est à la fois sur le plan personnel et sur le plan professionnel, car Philippe m’a permis de rester en contact direct avec l’ensemble du processus de création d’un disque, établissant la meilleure base de comparaison possible à mes oreilles attentives. Après avoir assisté à l’enregistrement d’un morceau, écouté les prises qui en résultent, puis à ses mutations au moment du mixage et du mastering, je suis sûr de mes références au moment de le découvrir sur un appareil que je ne connais pas encore.

Mais venons-en au fait. Nous étions réunis samedi pour écouter le lecteur de CD Nagra CDC. Cette petite machine à la qualité de fabrication exceptionnelle regroupe dans un boîtier au format propriétaire ( le même que celui du préamplificateur PL-L) une base de lecture CD, un convertisseur D/A optimisé pour ce dernier support (-24 bits pour favoriser la linéarité de la puce de conversion / 44,1 kHz parce que Nagra n’a pas souhaité prendre la voie du suréchantillonage) et une section préamplificatrice capable de driver un amplificateur en mode symétrique comme en asymétrique. L’idée était de comparer le Nagra CDC avec la source CD actuelle de Philippe, constituée d’un drive Isem Ego phase 2 branché en AES / EBU sur le convertisseur de son enregistreur numérique 4 pistes Nagra D. Le Nagra CDC était utilisé uniquement en tant que lecteur de CD, le potentiomètre de volume de l’appareil étant « vissé » à fond sur la référence 0 dB, afin de profiter d’un niveau sans atténuation sur ses sorties analogiques asymétriques que Philippe a préférées, comme moi, aux sorties XLR symétriques.
Le système de reproduction proprement dit est composé d’une paire d’enceintes ProAc Response 4, que je considère encore aujourd’hui comme l’une des plus belles réalisations de Stuart Tyler, d’une paire d’amplificateurs stéréo Sim Audio W5 (un par canal en bi-amplification passive) et d’un préamplificateur Sim Audio P8 reconnu pour ses qualités de transparence et de neutralité. L’ensemble est câblé en Cardas Golden Cross ( Câble HP & symétrique) et en MPC Audio (-câble spécifique au Nagra IV S).

D’abord, il faut préciser que le drive Isem branché en numérique sur le Nagra D donne d’excellents résultats dans l’absolu. Il faut saluer ici le travail remarquable d’Erick Isler, le concepteur français de cette base de lecture performante équipée d’une mécanique Philips CD Pro en aluminium et d’une sortie AES/EBU doté d’un convertisseur d’échantillonnage asynchrone (ASRC) pour délivrer un flux numérique en 24 bits / 96 kHz, le tout pour un prix réaliste de 2500 euros. Évidemment, le Nagra CDC, se trouve dans une tout autre catégorie de produits. Affiché à 13450 € il cherche à s’imposer comme une référence incontestable dans le petit monde des sources numériques sans concession, en s’appuyant sur le savoir faire et la légitimité de ses créateurs aussi bien en matière de mécanique que de traitement numérique du signal. Il faut dire que le constructeur helvétique fait partie des marques mythiques du monde de l’enregistrement professionnel depuis près de quatre décennies à travers ses différentes générations d’enregistreurs à bande analogique puis numérique, dont il a été largement fait usage aussi bien au cinéma que dans le monde de la musique et de la radio. Dès lors, on comprend mieux l’expertise considérable du bureau d’étude de la société de Mr Kudelski quand il s’agit de concevoir une mécanique capable d’extraire les informations numériques du disque et de les convertir en musique. Dans le CDC, il s’agit d’une véritable pièce d’horlogerie qui utilise une base de lecture Philips VAU 1254/31LF, ultime évolution de la CD Pro 2, dont elle ne reprend que le chariot porte diode, l’asservissement étant assuré par un circuit programmé par Nagra pour en tirer la substantifique moelle. Le chariot vient prendre place dans un assemblage d’aluminium et d’alliage millimétrique « maison » suspendu par silentblocs au seins d’un tiroir qui s’extrait totalement du coffret pour permettre le chargement du disque. On appréciera au passage le centrage naturel de l’adorable petit palet presseur usiné dans la masse qui vient plaquer le disque sur l’axe d’entraînement, facilitant sa rotation sans solliciter inutilement le palier de la mécanique. La base de lecture et le convertisseur qui l’accompagne sont synchronisés sur une horloge master (un domaine dans lequel on peut décidément faire confiance aux Suisses !) cadencé à 33,86 MHz, soit 768 fois la fréquence d’échantillonnage du CD : voilà qui est de bon augure pour la réduction du Jitter.

C’est la deuxième fois que j’ai la chance de passer du temps avec le Nagra CDC et je tombe une fois de plus sous le charme de son interface utilisateur, avec ses petites clefs basculantes, son magnifique modulomètre à aiguille et sa belle télécommande dédiée à l’ergonomie bien pensée.

Notre première comparaison prend pour objet un disque de John Lee Hooker, The Healer, que je connais par cœur. L’enregistrement en lui-même n’a rien d’extraordinaire. Il est même agrémenté d’une réverbération Lexicon peu discrète que Philippe pointe de l’oreille immédiatement sur l’Isem relié au Nagra D. Avec le CDC, cette dernière est encore plus lisible, mais chaque instrument, chaque plan sonore se détache plus distinctement tout en préservant mieux l’homogénéité de l’ensemble. Et puis surtout, il y a une perception du rythme qui donne envie de taper du pied, alors que la voix rocailleuse de John Lee m’emporte dans la mélancolie qui caractérise la deuxième partie du disque. L’aspect légèrement « mécanique » que l’on pouvait encore ressentir sur l’Isem et le Nagra D disparaît totalement au profit d’un respect du tempo qui m’impressionne immédiatement.

Notre deuxième écoute s’effectue autour de la somptueuse interprétation du Concerto Italien de Bach par Alfred Brendel. Cette fois-ci, l’enregistrement est remarquable (surtout dans la version NON remasterisé de ce chef d’œuvre, malheureusement épuisée) et le Nagra CDC fait encore la différence à la fois sur la qualité des timbres et sur sa capacité à moduler pour rendre le touché exceptionnel de l’interprète. L’articulation des notes, la richesse du dégradé harmonique du piano sont rendues avec une évidence confondante. Le léger halo qui affecte le médium sur les fortissimo semble avoir reculé avec le CDC, un peu comme si l’on faisait le point avec un objectif photographique. La micro dynamique est reproduite de manière totalement fluide, avec une infinité de variations qui donnent un réalisme saisissant à la restitution.

Je profite aussi du prochain album live d’Hadouk Trio que j’ai entendu en concert au Cabaret Sauvage pendant son enregistrement et que Philippe a fini de mixer et de masteriser ( un futur best seller compte tenu des qualités artistiques et techniques du résultat final !) pour me faire une idée sur les capacités de spatialisation du CDC. Dans ce domaine encore, le lecteur Nagra fait preuve d’une très grande classe. Avec l’Isem et le Nagra D, la scène sonore apparaît précise et proche de l’auditeur, mais en comparaison du CDC, elle manque un peu de cohérence et l’espace apparaît moins réaliste. Avec le lecteur Nagra, on a d’abord l’impression d’avoir pris deux ou trois mètres de recul par rapport à la scène en gagnant à la fois en largeur et en profondeur. Chaque instrumentiste apparaît mieux dessiné dans l’espace et acquiert une épaisseur presque troublante qui donne beaucoup de vie à la restitution. Au-delà de cette notion d’espace, on reste aussi totalement sous le charme du naturel des timbres, de l’ouverture dans le haut du spectre et de la bande passante du CDC. Le hang de Steve Shehan (sphère métallique aplatie qui comporte huit notes dont une fondamentale) fait ici apparaître le talent exceptionnel du percussionniste qui le manie et le dégradé harmonique somptueux qui le caractérise. Le grave de la gumbass de Loy Ehrlich ( mélange de guimbri et de basse électrique) est à la fois rond et détouré, démontrant la qualité de nuances dont le Nagra est capable dans le bas du spectre. Enfin, le son et le phrasé si particulier du Doudouk de Didier Malherbe sont reproduits sans la moindre once d’agressivité, avec ce feulement presque animal, ce cri de velours qui fait tout le charme de cet instrument si particulier.

Car le Nagra, loin d’être un interprète fidèle et servile sait aussi verser dans le spectaculaire si le disque le demande, comme nous le prouve le premier morceau « A thousand years » de l’album Brand new day de Sting, où le CDC démontre une énergie réjouissante sur la nappe d’infra basse qui introduit le morceau. Et puis, il y a cette définition, comme sur les coups de caisse claire de Manu Katche, dont la variété et l’amplitude sont reproduites avec une précision redoutable pour vous faire immédiatement rentrer dans la musique.

Et c’est bien là ce qui fait de ce lecteur un compagnon de route hors du commun : cette capacité à nous entraîner dans de longues heures de plaisir musical où il ne serra plus question de comparaison ou de technique mais de découvrir de nouveaux disques ou de réécouter ceux que l’on croit connaître par cœur. Voilà une machine qui représente bien pour moi ce que la haute-fidélité devrait être : un mélange réussi entre des qualités objectives superlatives (timbre, transparence, dynamique, spatialisation) et un sens de la mélodie et du rythme qui fait toute la différence entre une restitution purement technique et une restitution véritablement musicale.

Le fait que le CDC émane d’un constructeur qui a construit sa réputation dans le monde de l’enregistrement a pour moi quelque chose de rassurant. Cela prouve d’abord que nous sommes encore nombreux, constructeurs et professionnels du son, à penser que la technique ne devrait jamais s’éloigner de son sujet, pour se mettre au contraire à son service et apporter un peu de passion et de couleurs à nos vies de mélomanes.
Cela prouve aussi les progrès considérables accomplis ces dix dernières années par le numérique pour hisser le CD au niveau des meilleures sources analogiques. Un domaine dans lequel le CDC marque d’évidence un point, même s’il reste encore une marge, tout du moins sur des enregistrements antérieur à l’âge du numérique, pour rattraper la dernière écoute que nous avons fait ce soir là, à partir de la platine vinyle de Philippe, une Michell Orbe équipée d’un bras Graham Phantom (quelle merveille !) et d’une cellule Van den Hul Condor le tout branché sur une entrée phono Aesthetix Rhea.

Du moment que c’est la musique qui en sort gagnant !

Retrouvez ce test et bien d'autres sur EcoutezVoir magazine : www.evmag.fr

Lien vers Nagra