dimanche 17 août 2008

Christophe - Aimer ce que nous sommes : un album différent et personnel

Pour beaucoup, à commencer par votre serviteur, Christophe est longtemps resté le symbole d’une certaine forme de variété douce-amère, acidulée à souhait par des claviers d’un autre âge. Un porte-drapeau d’une culture qui me fit danser et flirter à mon adolescence, aux accents de ces yeux bleus délicieusement kitch pour lesquels je garde forcément une tendresse particulière.

Et puis Christophe a disparu, comme s’il refusait de se cantonner à sombrer dans la nostalgie de ses succès pour faire bouillir la marmite, comme certains de ses confrères. En 2001, il refait surface avec Comme si la terre penchait, un album sombre et subtilement arrangé par un artiste pluriel et singulier, marqué par une vraie inspiration, des textes et des compositions troublants et ambigûs, la sensibilité à fleur de peau.

Il aura fallu sept ans de plus pour donner naissance à Aimer ce que nous sommes. Des rencontres, sans doute beaucoup de nuits blanches comme il les affectionne, une envie de se projeter plus loin encore, un peu à la manière d’un Bashung dans son Imprudence, vers ce mélange original et inattendu de poésie simple, d’arrangements parfois flamboyants, sans oublier pourtant le côté « néon juke-box lino » qui caractérise son univers crépusculaire et sensuel.
Si « aimer ce que nous sommes », c’est assumer toutes les facettes de sa personnalité, alors Christophe peut se venter d’avoir brillamment réussi son pari en mélangeant des morceaux d’une rare sophistication formelle – profond et sensible à la fois dans ses textes et ses partis pris artistiques –, à des plages plus ludiques, consciemment kitch, tel « Tonight Tonight » dont raffolera son public habituel.
Pourtant, Christophe échappe facilement aux clichés en mélangeant les genres et les cartes, en jouant du vocodeur et des synthétiseurs, d’un piano qui pleure sous les sentiments ambigus, sombres et lumineux à la fois, pour nous faire plonger dans son univers, oreilles et cœurs aux aguets à la découverte d’un personnage attachant dans sa complexité et son ambivalence assumée. Influences ethniques et guitare électrique en bandoulière, exaltation des montées en puissance des violons, voix écorchée par ce mélange de modernisme et de mélancolie, Christophe se livre et se délivre tout entier, amoureux fou et transi, romantique, pudique et provocateur à la fois pour toucher son auditoire.
Certains y verront peut-être, par manque de référence ou de vécu, l’expression d’un ego démesuré ou d’un jeu de miroir pseudo intellectuel. J’y ai vu pour ma part une envie d’exister complètement, totalement, à travers des mélodies souvent belles et pas si faciles, servies par des textes que l’on prend plaisir à décrypter sous la production luxueuse qui les habille.
Et puis il y a ces amis, ces visites qui habitent le disque en filigrane, comme la voix d’Isabelle Adjanie sur « Wo wo wo wo », le premier morceau, la trompette au timbre tellement personnel d’Erik Truffaz sur le magnifique « Odore di femina », les gitans qui entourent Moraito Chico ou le piano de Carmin Appice quand Christophe ne se met pas lui-même à l’instrument.
Aimer ce que nous sommes est un album troublant, séduisant, sombre et différent, sensible et puissant, que l’on prend plaisir à écouter tout entier, pour entrer complètement dans l’univers d’un artiste qui mérite largement sa place dans une discothèque d’aujourd’hui. En tout cas dans la mienne !



Un peu de technique :

Il suffit d’écouter la dernière plage du disque pour prendre conscience du nombre impressionnant de personnalités, de techniciens, d’artistes et d’instrumentistes mis à contribution pour réaliser cet objet sonore complexe. Enregistré dans huit studios situés dans trois pays différents (France, Angleterre et Espagne), Aimer ce que nous sommes aurait pu se révéler moins convaincant techniquement que musicalement. Mais il faut croire que Christophe et Christophe Van Huffel, responsables de la production, savaient ce qu’ils faisaient au moment de rejoindre en un tout cohérent les délires et les voyages d’un artiste qui préfère visiblement la courbe à la ligne droite. Aimer ce que nous sommes est un album étonnant, pas toujours parfait, mais remarquablement abouti compte tenu de cette complexité viscérale. Tout le monde semble y trouver sa place au sein d’un espace sonore électroniquement très travaillé, qui ne manque pas de mettre en valeur chaque interprète. Mélange d’ambiances électroniques et acoustiques, le disque nous emmène en voyage, nous ballade dans les rues sombres d’une ville la nuit ou sous les feux des projecteurs d’une boîte de nuit, emporté par des basses profondes et contrôlées, un haut du spectre tour à tour rustique et croustillant de détails, mais toujours dans l’emphase d’une mise en scène qui ne ménage rien pour impressionner l’auditeur. Evidemment, les réverbérations exacerbées, surtout sur les voix, et les effets stéréo feront leur petit effet sur n’importe quel transducteur, même si la compression omniprésente étouffe parfois un peu la dynamique dont sont capable les plus gros systèmes.

Christophe
Aimer ce que nous sommes
Chez Universal Music

A écouter aussi: Comme si la terre penchait

1 commentaire:

Julien Lafond-Laumond a dit…

Beau disque, très beau disque.
Outre la participation de Truffaz, il y a aussi celle du Dj mexicain Murcof, rencontre véritablement fondamentale pour Christophe. Des invités anachroniques – il faut rajouter Adjani, à l'image de leur hôte.